Conseils de lecture
En 44 chapitres, Dalya Daoud raconte quinze années de la vie d'un lotissement ouvrier voisin d'une usine de textile de la région lyonnaise, en marge d'un Village bien dans son jus, socialement articulé autour de l'église, des bars, du terrain de foot, et d'une ferme où vit un lama, Pedro. Et même qu'un jour, Jean-Jacques Goldman est venu y jouer !
Quinze années comme cent ans de solitude, de 1983 à 1998, dans l'intimité des dix familles qui vivent dans ce lotissement, principalement issues du Maghreb, la vie de la cité en milieu rural. Les enfants jouent, courent, grandissent, transgressent, prennent leurs envols, au gré des scènes de vie narrées avec humour et malice, dans un harmonieux, mais parfois discordant, mélange de langues, de youyous et de recettes multicolores.
Pour son premier roman, la journaliste Dalya Daoud dénoue avec joie, verve et vérité le fil de quinze années, comme un récit d'intégration, de construction d'une identité, un récit d'enfance et d'adolescence: raconter ce que c'est que grandir dans une cité à la campagne, rêver de la ville, et accepter aussi les espoirs déçus.
1986, Thetford Mines, ville majeure de l'extraction d'amiante québécoise. À proximité de la gigantesque mine à ciel ouvert autour de laquelle gravite la quasi totalité des emplois, Sébastien Dulude raconte, dans une langue sublime, irradiée de poésie, l'amitié entre le jeune narrateur, Steve Dubois et son ami Charlélie, dit le petit Poulin. 10 ans tous les deux, des rêves pleins la tête pour échapper à l'ennui de la ville grise, granitique, qui cristallise la violence sourde de l'industrie, l'absence d'amour du père, répétant sur son garçon la violence que lui inflige la mine. Échapper à tout cela, c'est profiter de l'été, construire des cabanes, s'échanger les Tintin, les trouvailles merveilleuses, collectionner les souvenirs, dévaler les pentes en BMX.
Alors que les nouvelles du monde sont tristes et effrayantes ( 1986, c'est Tchernobyl, l'explosion de Challenger en direct à la TV...), Steve et Charlélie cultivent l'innocence, et leur bulle fusionnelle. Jusqu'au jour où...
Amiante est un joyau de premier roman, un éblouissant récit sur la pureté de l'enfance et de l'amitié, que je vous invite ardemment à découvrir tant il est pour moi un merveilleux coup de cœur.
On commence par une claque, celle qui vous laisse la joue bien rouge, à vif.
Ça se passe quelque part, dans un endroit un peu banal, plat, disons à tout hasard, tout égard: en Belgique. Le jour du solstice d'été, aussi connu comme le jour le plus long. Deux jeunes mecs, 18 ans tout juste, qui zonent sur un parking d'un hyper. Ils rigolent, ils fument des joints, ils boivent des bières, ils s'ennuient. Même jour, même heure, un médecin, on devine la cinquantaine blasée, le divorce récent, la vie de famille éclatée, la réussite inutile, la solitude mâtée à coup de Single Malt.
Célestin de Meeûs enchaîne les courts paragraphes avec virtuosité, rythme, et une maîtrise certaine de l'étirement des phrases comme du temps. Au fur et à mesure que la journée se déroule, comme un interminable plan séquence, alternent les errances de Théo et Max, et les ruminations du docteur Rombouts. Et au fil de ces alternances, alors que le solstice s'étire, de plus en plus en longueur, se profile de façon inéluctable le moment de l'impact entre les deux trajectoires.
Mythologie du .12 ou l'anatomie d'un vertige.
En adoptant la forme d'un auto de Noël, courte représentation scénique traditionnelle de la naissance de Jésus, João Cabral de Neto raconte la longue migration de Sévérino, travailleur du Nordeste fuyant la misère et la désolation, traversant le sertão à la recherche d'une vie meilleure. Livre majeur de la littérature brésilienne, écrit en 1955, Mort et vie sévérine est un texte poétique sublime, enrichi par cette (première) édition bilingue qui place en regard de la traduction française les vers en portugais du Brésil, donnant à entendre une musicalité remplie de mélancolie. Certains de ces vers célébres furent d'ailleurs mis en musique par Chico Buarque.
Si Fio Jasmin est devenu plus tard un si grand séducteur, c'est parce qu'il n'a pas été choisi pour jouer le prince dans la pièce de théâtre de son école, en raison de sa couleur de peau. Du moins c'est ce que racontent les femmes qui l'ont bien connu, ce beau Fio, suave et séduisant, que son boulot de machiniste de locomotive conduisait de ville en ville, évanescent comme l'odeur du jasmin. Un peu lâche aussi, marié, père de nombreux enfants reconnus, ou inconnus, semés sur sa route en pétales effeuillés.
Par la voix de celles qui ont connu cet homme, la grande écrivaine brésilienne Conceição Evaristo dresse des portraits de femmes magnifiques, fortes et déterminées dans leurs choix, leurs rêves, et leurs fantasmes.
Chanson pour bercer de grands garçons est un bijou de roman polyphonique, tout en délicatesse et poésie, mon grand coup de cœur de ces lectures brésiliennes.