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Astrid S.

Marchal, Olivier

Éditions Télémaque

Conseillé par
16 juillet 2012

28 juin 2012, ...Rousseau aurait eu 300 ans. Lui qui n'attendait plus aucune reconnaissance, aucune compréhension de la part de ses contemporains déclarait que ses écrits trouveraient leur place dans l'esprit "des temps à venir".
L'histoire lui aura peut être donné raison. Mais le voile posé sur son oeuvre est-il à présent entièrement levé?
Olivier Marchal, aux Editions Télémaque, continue, dans ce deuxième roman consacré à Rousseau, de s'interroger sur la personnalité de ce philosophe, écrivain, encyclopédiste, musicien du siècle des Lumières. Rousseau est un homme âgé, fatigué lorsqu'il rencontre le jeune Bernardin de Saint Pierre. Ces deux là vont "s'entreconnaître".
Le futur Louis XVI s'apprête à monter sur le trône, Paris parle fort, souvent mal.. Paris a mauvaise haleine en ces années 1770. le combat des idées a rendu L'âme sur l'autel du pouvoir, des richesses et des titres de gloire. Les fermiers généraux rejoignent le cercle des penseurs . L'idéal se poudre, se farde, et courtise Versailles. Rousseau les dénoncera, tous, de Diderot à D'Alambert, de Voltaire à Grimm lui assèneront des coups de bâton.
Olivier Marchal déchire le voile. Il met en Lumière un peu plus l'esprit de ce siècle. Un roman passionnant.

Conseillé par
16 juillet 2012

L’Art de l’amitié : Rousseau et la servitude volontaire

« Vitam impedere vero » : consacrer sa vie à la vérité. Telle était la devise de Jean-Jacques Rousseau. David Munnich, quant à lui, consacre son essai à mettre en lumière la vérité sur Rousseau. Il mérite bien cela . Lui, le philosophe des Lumières le plus vilipendé, le plus entier, le plus jusqu'au-boutiste.
« Ce fou de Rousseau » murmurerait-on plus tard dans les Salons. L'ostracisme dont il fut frappé, au delà des incivilités que ce siècle lui reprochait, provenait sans doute de sa parole visionnaire. Toute sa vie, Rousseau verra ce discours incompris. A l'image de ce qu'il fut lui-même. De nos jours saisissons nous pleinement le sens de ses écrits ?
Rousseau s'adresse à ses pères, en ce 18e siècle, mais il sait déjà que sa parole passera les siècles. Ce qu'il nous dit là est la vérité, intemporelle et universelle.

Munnich est philosophe, donc chercheur par nature. Il tente non pas d'opérer une relecture du « Discours sur les sciences et les arts » de Rousseau mais nous délivre un mode d'emploi de lecture. Il y a dans ce discours deux strates. Il ne suffit pas de lire Rousseau pour le comprendre, il faut lire derrière et entre les lignes pour le parfaitement entendre.
Munnich nous rassure : Rousseau a laissé des pistes. La lecture est un art qu'il convient ici d'exercer. Mais comment décrypter l'écrit caché ? Comment en obtenir la clé ? A la lecture du premier discours de Rousseau, il se peut que l'on soit désarçonné, égaré, laissé dans une zone d'inconfort .
Pourquoi Rousseau nous cacherait il la Lumière ? Sciences et arts naîtraient ils de nos vices, comme il le déclare ? Pourquoi nous imposerait il ce pacte de connivence ? Que redoutait il ? Pourquoi donc cacher ce texte.. pour le subtiliser au regard de qui ?
Ce discours se présenterait- il comme une parabole, une métaphore ? Comme le fait remarquer René Girard : « paraballo signifie jeter quelque chose en pâture à la foule pour apaiser son appétit de violence, de préférence une victime, un condamné à mort; c'est ainsi qu'on se tire soi-même d'une situation épineuse, de toute évidence. C'est pour empêcher la foule de se retourner contre l'orateur que celui-ci recourt à la parabole, c'est-à-dire à la métaphore. ».
Munnich nous offre une piste qui nous permettra de mieux considérer la profondeur du texte de
Rousseau. Il s'appuie pour cela sur une lecture parallèle avec le Discours de la servitude volontaire de La Boétie. Distants de deux siècles, aussi jeunes l'un que l'autre, avaient ils la possibilité de « s'entreconnaître » ? Tous deux déclarent l'homme libre de naissance, tous deux exposent le « malencontre », cet indicible qui pousse l'homme à s'enchaîner volontairement. Rousseau s'adresse à l'opinion qui est selon lui l'esprit de la société. Elle est la mère de tous les vices. L'homme à son contact se corrompt. Rousseau ne se fait aucune illusion : il s'adresse à la vox populi et lui jette ce qu'elle attend... Déjà en 798 Alcuin disait en s'adressant à Charlemagne : « Nec audiendi qui solent dicere, Vox populi, vox Dei, quum tumultuositas vulgi semper insaniae proxima sit » - « Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés, car la nature turbulente de la foule est toujours très proche de la folie ».
Ainsi Rousseau se retrouve t-il plus à l'aise pour discourir entre gens de bonne compagnie, c'est à dire en amitié.
Il fait entrer les lions dans l'arène, le peuple ne réclamant que divertissement. Ils les laissera donc à leur folles occupations. Il ne désire pas leur apporter un enseignement ni les convaincre.
Voici le niveau 1 de lecture ordonné par Rousseau.
Le niveau 2, lui, va s'adresser à l'homme libéré, un hors-société, au solitaire qui détient sa liberté de savoir, celui qui ne fait déjà plus partie du Tous Un, celui qui est capable d'aller quérir ses apprentissages seul et qui ne se nourrit plus de faux savoirs (sciences, arts etc) accordés par la société. Rousseau sait que la véritable liberté c'est la liberté du savoir. Mais il sait également que tout contact de la vérité avec l'opinion, condamnerait à mort immédiatemment la première.
Il ne va donc pas cacher la vérité, il va la protéger pour la sauvegarder. Il ne la livrera pas aux Tous Un. C'est là que s'opère le travail d'analyse de Munnich.
« Il s'agit donc de paraître ce que l'on est pas et de cacher ce que l'on est. La transparence est un paradis perdu. » Il lui faudra donc paraître faux pour atteindre le vrai. Il se dissimule pour mieux montrer et se cache pour se montrer.
Ce discours serait il un propos « indépendantiste », évoluant sous couvert d'une certaine clandestinité? Rousseau...pré- révolutionnaire ? Évidemment... : oui.
Chassons l'aspect provocateur qu'il revêt parfois et retenons le caractère prudent de l'homme.
Mais avec qui fait il le choix de s'entretenir ? Quel est ce cercle auquel il s'adresse ? C'est celui de ses amis, qui s'incarne dans la personne de la Boetie, le seul qui ne sera justement, dans ce discours, jamais nommé. Maurice Blanchot écrivait à propos de l'amitié :
« Nous devons renoncer à connaître ceux à qui nous lie quelque chose d’essentiel ; je veux dire, nous devons les accueillir dans le rapport avec l’inconnu où ils nous accueillent, nous aussi, dans notre éloignement. L’amitié, ce rapport sans dépendance, sans épisode et où entre cependant toute la simplicité de la vie, passe par la reconnaissance de l’étrangeté commune qui ne nous permet pas de parler de nos amis, mais seulement de leur parler, non d’en faire un thème de conversations (ou d’articles), mais le mouvement de l’entente où, nous parlant, ils réservent, même dans la plus grande familiarité, la distance infinie, cette séparation fondamentale à partir de laquelle ce qui sépare devient rapport. ». Ces mots illustrent parfaitement le rapport qui s'établit entre La Boétie et Rousseau qui ne pouvait concevoir la liberté en dehors de l'amitié.
Et lorsque que Rousseau fait preuve de contemption à l'égard des arts et sciences « cultivés » par la société, c'est au savoir des peuples policés qu'il s'en prend. Ces divertissements enferment le peuple dans l'obscurité du royaume des tyrans. « Le besoin éleva les trônes, les sciences et les arts les ont affermis ». Les peuples policés cultivent leur servitude. Autre point d'accord avec la Boétie. Les hommes sont seuls entre tous pour le bonheur d'un seul. Voici donc comment s'inscrit ici la déclaration d'amitié qu'adresse Rousseau à la Boétie. « Tous les besoins que se donne le peuple sont autant de chaînes dont il se charge ». Rousseau nous informe, et cela depuis le 18e siècle. Il avait prévu la longueur et le poids de nos chaînes. Il était effectivement visionnaire. L'opinion veut davantage que l'on réponde à ses besoins qu'à ses questions.
Par le style, les formules, le rythme, Rousseau s'entretient avec la Boétie. Ils « s'entreconnaisaient » donc bien même si aucun fait matériel nous permet de déclarer que Rousseau ait pu tenir entre ses mains le Discours de la servitude volontaire.
Rousseau est élitiste : seuls, entre amis ils sauront se reconnaître. Rousseau, maître d'une obédience philosophique ? Peut être.
Cette stratification des niveaux de lecture lui ont assuré confort et liberté d'expression sans aucun doute, mais le revers de sa démarche lui vaudra pour plusieurs siècles l'incompréhension du plus grand nombre.
Mais considérant l'estime que Rousseau portait à l'opinion, nous pouvons sans peine imaginer que bien qu'ayant mesuré le risque de cette action, il ait pu sans aucun regret mener à bien son discours. Rousseau ne voulait se reconnaître aucun maître et ne vouloir se reconnaître qu'entre amis : Tous unis/ tous UNS.
A la question posée par l'Académie de Dijon : Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs ? », Rousseau paraît répondre favorablement à cette société qui n'avance que masquée. A ses amis, il confie que des masques ne peuvent qu'annoncer de fausses vérités, qui leurs servent d'oeillères.
Rousseau établit la vérité, et ne veut pas la domestiquer. Il est retourné à son état naturel d'homme libre.
L'essai de Munnich permet de retrouver le discours de Rousseau en toute amitié.
Desproges disait « On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui. ».
Cette aphorisme peut il être appliqué à certains textes ? « On peut tout écrire mais pas pour n'importe qui... ». Rousseau connaissait les braises que contenaient ses écrits, on peut donc lui pardonner d'avoir porté sa Lumière avec parcimonie. En 1751, quelques années après ce discours, « Le contrat social » fut brûlé à Paris dans la cour du Palais.

chronique de la guerre de Trente ans

L'Arche

12,00
Conseillé par
16 juillet 2012

Bertolt Brecht a écrit cette pièce en 1939, elle sera créée en 1941 à Zurich. Il est à l'époque en exil en Suède, déchu de sa nationalité allemande par le régime nazi. Ses livres sont jetés dans les flammes des autodafés avec ceux de Heinrich Heine, Karl Marx, Heinrich Mann, Thomas Mann, Kurt Tucholsky, Erich Kästner, Carl von Ossietzky, Anna Seghers, Sigmund Freund, Erich Maria Remarque, Egon Erwin Kisch, Stefan Zweig, Arnold Zweig, etc...
Ce n'est donc pas un hasard si il a choisi de nous faire suivre les pérégrinations de mère Courage et de ses enfants, de 1627 à 1648 à travers les champs de bataille de la guerre de 30 ans. Cette guerre impliqua l'ensemble des puissances européennes. Batailles, famines, massacres, entraînèrent plusieurs millions de mort et changea la face de l'Europe.

L'Allemagne et l'Espagne ont vu certaines de leurs régions décimées. Cette guerre aura déployé l'éventail de toutes les infections qui peuvent gangrener les plaies ouvertes des peuples : guerre de religion, absolutisme, despotisme, hégémonie territoriales, affrontement politique nourrit par des conflits entre les « grandes familles » des royaumes, création de véritables « trésors » de guerre, plongeant les peuples dans le plus grand des chaos.
La guerre devant financer la guerre, elle s'obligeait elle même à s'étendre et à s'auto-alimenter.
Mère Courage est cantinière et promène sa roulotte et ses trois enfants de bataille en bataille. Son commerce ravitaille les troupes. Elle devient donc l'incarnation même de la stupidité d'un système qui se condamne lui même. La guerre lui prendra un à un ses enfants, et finira par ruiner son commerce. Courage sait la monstruosité et l'absurdité des conflits armées. Fatalité et destin sont attelés à sa roulotte. Elle finit par croire elle même que la paix n'est que l'archange de sa perte et du désordre.
La mère Courage de 1627 , c'est la mère Patrie version 1939. Elle préfigure cet avenir de cendres auquel l'Europe toute entière tendait les bras et qui allait lui arrachait le coeur.
Mère Courage n'est que stupidité et cupidité. Sous couvert d'aimer ses enfants, elle ne protège que son propre commerce. Elle est l'incarnation du despotisme

Alain Le Beuze

Folle avoine

Conseillé par
16 juillet 2012

Paroles de saules

Gaston Bachelard, l'alchimiste des rêves, de l'imagination et du verbe, aurait sans aucun doute reconnu le poète Alain le Beuze. Dans son recueil « Les Racines du vent » , le Beuze nous ouvre les portes de son espace, son pays, sa terre en pays de Bretagne. « J'aime ce pays » écrit il. Il l'aime dans sa chair, dans ses rochers, ses substances, ses vents, ses nuits, sa pluie, ses fougères, ses aubes, ses cordages, ses silences, le roulement de ses pierres, le dessin de ses racines.


L'homme n'a pas besoin d'être appelé dans la poésie de le Beuze, il est présence. Il est dedans. Il fait corps, âme, et rêves avec cette terre. La nature s'incarne, se personnifie. Elle est en vie, elle nous met en vie et nous la mettons en scène. « Et si les murs cessaient d'apprivoiser l'espace de rassurer les choses et les hommes, que deviendraient les champs ». Les oiseaux sont des pinceaux. Tout est mouvement. « Les talus et les arbres poulinent leur crinière ». L'aube est de retour, les sèves se soulèvent, la pluie sabre, l'eau nous enseigne. A feu et à sang, à flot et en glaise, en arbre et en ciel, en granit et en chair, l'espace de le Beuze est un monde bouleversant. « Nous sommes les oiseaux d'un règne aux paroles de saules ». Suivez le vent jusqu'aux racines du ciel !