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Eric R.

Conseillé par (Libraire)
20 février 2019

Un GRAND "petit livre.

Eric Vuillard poursuit inlassablement son oeuvre de colère et d'indignation en faveur de ceux qui "s'acharnent contre l'argent, la force et le pouvoir". C'est un réformateur luthérien du XVI ème siècle, Thomas Müntzer, qui est ici le porte parole de ce cri désespéré et désespérant des pauvres et des faibles.
Dans un style acéré, lyrique, Vuillard prend fait et cause pour le prédicateur, qui par sa folie souhaite renverser un monde profondément inégalitaire.
Un texte court mais puissant aux échos étonnamment contemporains. Un bijou d'érudition et de littérature.

Conseillé par Eric Rubert

22,00
Conseillé par (Libraire)
18 février 2019

Un récit fascinant à double face

Mêlant l’histoire d’un criminel pédophile à l’expérience traumatisante de sa propre enfance, l’américaine Alexandria Marzano-Lesnevich, nous entraine dans un récit fascinant à double face. Une réflexion profonde sur la justice, le pardon, la famille, sur fond de justice américaine.

C’est un texte qui se raconte comme deux droites parallèles. La première c’est la reconstitution de la vie de Ricky Langley, pédophile, auteur à 28 ans du meurtre d’un enfant de 6,5 ans, une reconstitution, précise, établie d’après toutes les pièces de procédure possibles, un assassin qui sera jugé trois fois, pour être d’abord condamné à mort puis à la réclusion à perpétuité. La seconde droite est tracée à partir de la vie de l’auteure, une vie qui débute par des agressions sexuelles d’un grand père omniprésent et dont les agissements seront tus dans un silence familial assourdissant.

En géométrie, deux droites parallèles ne se rejoignent jamais. Pas en littérature. Ici chaque droite fait l’objet de chapitres alternatifs mais qui se répondent et se questionnent mutuellement. Car chacun des évènements racontés mis cote à côte raconte en fait peut être une même histoire. Lire la vie d’un autre au regard de son propre vécu, telle est l’expérience saisissante de cet ouvrage.
Ce livre n’est pas un thriller, mais une profonde réflexion sur le sens de la vérité, de la justice. Il brise cette odieuse affirmation qui veut que chercher à comprendre c’est chercher à pardonner. Pas de pardon. Pas de mort. Juste la création d’un espace pour des êtres complexes et insaisissables. Un espace pour la conscience et le coeur.

Eric Rubert;

Conseillé par (Libraire)
12 février 2019

Léger comme l'air.

Ces deux là étaient faits pour se rencontrer. François Morel, ancien Deschiens, chroniqueur sur France Inter et surtout Pierrot lunaire sur scène. Pascal Rabaté, auteur de Bd et notamment de l’inoubliable album « Les Petits Ruisseaux », qui dessine dans tous ses ouvrages, des voitures en forme de caisse à savon, des petits cyclos qui serpentent dans la campagne et qui donne aux enseignes commerçantes des noms originaux.
Tous les deux ont en commun, cette légèreté, cet amour des mots et des jeux de mots. Cette BD est le fruit de cette rencontre et l’album ne pouvait être autrement: tendre et poétique, doux et mélancolique.

Isabelle Samain, un patronyme qu’il a prononcé partout à la radio, sur scène comme une ritournelle sans fin. Isabelle Samain. Elle devait être belle Isabelle Samain, à quatorze ans, puisque le jeune François en tombe éperdument amoureux, au point de devenir pour elle, tennisman, nageur ou collectionneur d’ongles. C’est beau et bête les premiers émois amoureux. C’est beau et bête le coeur qui s’emballe, le pantalon qui se redresse, la main qui tremble. C’est beau et bête comme l’histoire du monde même si ce n’est que l’époque de Giscard et de Salut les Copains.
Ce passage obligé, François Morel l’a décrit dans son ouvrage « C’est aujourd’hui que je vous aime » (1) où il raconte les premiers émois, et les impulsions du corps (souvent visibles!). Isabelle Samain. Isabelle Samain. C’est une véritable chanson de Geste qu’il nous propose, une chanson d’amour comme du temps des preux chevaliers, mais sans armure ni trompette. Avec plutôt humour et dérision. Et cette litanie de verbes à la Prévert pour conjuguer niquer, chevaucher, tirer, culbuter à la manière du verbe aimer.
Sur ces mots Rabaté ne pouvait y glisser que des traits légers et colorés. Il prend sa place, toute sa place, profitant d’une pagination généreuse pour étaler ses dessins libres comme l’air, où il réussit à animer le texte en démultipliant le « pauvre » adolescent qu’est François en autant d’observateurs de ses émois amoureux vains. Ils sont beaux les traits de Rabaté et ont une douceur, un provincialisme qui fait penser à Jacques Tati. On est à la campagne quand les lapins lapinent et se multiplient sans les états d’âme du « pauvre » François. Les couleurs explosent comme un feu d’artifice ou une pollution nocturne (même à 15 heures!).
Dans sa préface, François Morel écrit que son récit était « parfaitement inadaptable en bande dessinée ». Il était donc naturel que Rabaté la fasse, cette adaptation. Et la réussisse. Sans prétention.

Eric Rubert.

Conseillé par (Libraire)
11 février 2019

Une enquête passionnante qui parcourt les mystères de la création artistique.

Quel est ce petit "Rat" de l'Opéra qui s'appelait Marie Van Goethe et qui tendait son regard vers le ciel ? Quel est vraiment cet Edgar Degas qui la sculpte dans la cire pour en faire un monstre ou un ange? Camille Laurens en écrivaine accomplie, et sans jamais user de fiction, cherche à répondre à ses questions, à travers notamment son parcours personnel. Sans inventer. Sans combler le trous de l'Histoire. mais avec une empathie certaine pour cette petite fille martyrisée par la vie et dont on ignore la suite de son existence.
Une enquête passionnante qui parcourt les mystères de la création artistique.

Conseillé par (Libraire)
6 février 2019

Gigantesque !

Un roman gigantesque qui parle de chevaux, d’équitation. Mais pas que. Un roman gigantesque qui parle du racisme et de misogynie, d’encolure et de cou, de poitrine et de poitrail. Un roman américain qui à travers trois générations de fermiers du Kentucky raconte le Noir et le Blanc. Un deuxième roman magistral et déboussolant de Claire Elaine Morgan.

Eric Rubert

C’est comme un film en cinémascope avec les couleurs des projections des années soixante. C’est un paysage paradisiaque qui semble figé depuis des millénaires: Paris, Paris dans le Kentucky, cet « endroit qui se glorifie de fournir un esclave à chaque homme blanc ». La véritable immobilité c’est celle des petits points noirs que l’on distingue, disséminés dans le paysage. Ce sont des femmes et des hommes qui sont là depuis la fin du 18 ème siècle, qui ne bougent pas, qui prolongent la vie de leurs ancêtres car la génétique et l’expérience doivent mener l’existence vers la perfection. Une expérience qui dit que les blancs sont supérieurs aux « Négros », que le Klan d’une certaine manière aide à la justice.

Si l’on regarde longuement l’image on s’aperçoit qu’elle constitue une fresque, qui raconte une histoire, celle de trois générations de propriétaires blancs, racistes, misogynes, certains de leur supériorité issue de la sélection naturelle.
Pour animer cette fresque, faire bouger les choses, il faudra une femme. Henrietta, fille de Henry. Une Forge bien entendu. A la moitié de cet énorme roman, un jeune homme noir, Allmon Shaughnessy, jeune garçon d’écurie, va bouleverser l’ordre des choses. Dans un monde d’équitation et de cheval, qui s’entrecroise avec l’histoire de l’esclavage, des boxes vont s’ouvrir, des perspectives nouvelles se proposer. Un jour naît chez les Forge la plus belle des pouliches que la Terre ait porté. Elle est noire. Comme un symbole. Elle est belle, magnifique. Comme le corps de Allmon que Henrietta désire au plus profond d’elle même. Des corps que Catherine Elaine Morgan décrit magnifiquement, des muscles qui vivent et respirent lors d’un débourrage ou lorsque Henrietta exige d’Allmon son amour. Des corps en mouvement et sans mensonge, annonciateurs d’une rébellion brusquement nécessaire.

Cet énorme roman fleuve, à la lecture nécessairement attentive, est large, ample, liquide, dévalant la pente comme l’Ohio, ce fleuve qui sépare les pays d’esclavage des états de liberté.
C.E Morgan nous fait traverser ce torrent d’eau, nous faisant flotter, suffoquer parfois, mais parvient finalement à nous faire traverser ces trois cent soixante seize mètres d’une frontière, pour atteindre le sol ferme. Alors on s’ébat, on se sèche après tant d’impétuosité. On reste plein de questions et on se demande si le monde a vraiment changé au cours de ces décennies sous les coups de violentes ruades alors qu’un fermier accoudé au comptoir se demande à haute voix: « Je crois que le pardon et l’amour c’est la même chose. Pas vous? ».

Eric Rubert.