Louis Malle dans tous ses états

Le présent volume a pour ambition de combler un manque criant – pour tout
dire, une négligence coupable – dans les études cinématographiques françaises,
notamment rapporté à la pléthore de travaux portant depuis un bon demi-siècle
sur les anciens Jeunes Turcs de la Nouvelle Vague auxquels on crut un temps
devoir le rattacher. Hors la monumentale et magistrale biographie due à Pierre
Billard (Louis Malle. Le rebelle solitaire, 2003), aucun ouvrage critique ou
universitaire n’a en effet été consacré, ces dernières décennies, en langue
française à l’œuvre pourtant unique et essentielle de Louis Malle. Une œuvre
imprévisible et inclassable, éclectique et audacieuse, qu’on a trop souvent
voulu réduire à un supposé parfum de scandale, que ce soit sur le plan de la
morale, de l’histoire ou de l’idéologie. Une œuvre qui, d’un côté, aura été en
butte, non sans hostilité ou mauvaise foi parfois, à bien des
incompréhensions, voire des contresens, et dont on peut regretter aussi que,
trop libre et trop singulière, elle n’a guère suscité de réels disciples ou
continuateurs. Mais qui, de l’autre, aura su s’épanouir (fait rarissime pour
un cinéaste français) des deux côtés de l’Atlantique, aura été dès ses débuts
reconnue et couronnée de récompenses, et demeure à ce jour une inépuisable
source d’admiration et d’inspiration pour des metteurs en scène tels que
Richard Linklater ou Wes Anderson. Aussi n’est-il que temps de revisiter à
nouveaux frais la carrière chatoyante de Louis Malle, dans sa plus grande
amplitude et dans tous ses états, en la replaçant – de la manière la plus
juste et à sa juste valeur – au sein de contextes multiples : l’histoire du
cinéma français, l’industrie hollywoodienne, le cinéma américain indépendant,
la production internationale ; la question de l’adaptation, et plus
généralement, l’histoire littéraire et intellectuelle ; les rapports entre le
cinéma et la musique ; le documentaire et la fiction ; les relations sociales
et les soubresauts de l’histoire. Pour ce faire, ont été réunies des études
émanant d’un aréopage de chercheurs et de spécialistes aux perspectives
critiques ou théoriques complémentaires, et selon une approche globale
dédoublée. À savoir : d’une part, des textes monographiques s’attachant aux
multiples sommets de la filmographie mallienne ; de l’autre, des essais
transversaux s’intéressant à des questions plus larges, techniques ou
thématiques, autour d’un faisceau de films. En marge de ces travaux figure une
version scénaristique inédite et fascinante d’un des projets inaboutis qui
hantèrent Louis Malle tout au long de sa carrière : l’adaptation de Victory de
Joseph Conrad. Outre un témoignage que nous a généreusement livré Susan
Sarandon, Volker Schlöndorff et Wes Anderson ont respectivement rédigé un
avant-propos et une postface très personnels au volume. Philippe Met est
Professeur de Cinéma et de Littérature Française à l’Université de
Pennsylvanie (États-Unis), et Rédacteur en Chef de la revue French Forum. Il
est l’auteur de plusieurs ouvrages, ainsi de que de très nombreux articles
dans les domaines de la poésie, de la littérature fantastique et du cinéma.
Parmi ses dernières publications : (co-dir.) Screening the Paris suburbs: from
the silent era to the 1990s (Manchester UP, 2018) ; Ponge et le cinéma
(Nouvelles Éditions Place, 2019).