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Il faut buter les patates

ALLE Gerard

Locus Solus

  • Conseillé par
    20 août 2014

    Tristes sorts, tristes sirs.

    L'auteur nous parle d'un polar fermier, ce qui ne peut absolument pas être traduit par "poulet fermier, label noir".
    Nous sommes en Bretagne, Yves qui était sorti satisfaire un besoin naturel entend gémir et trouve son voisin Michel avec une vilaine plaie à la tête. Ce n'est pas un accident, mais un début d'intimidation.Michel revit son passé dans la ferme, la succession de ses parents, le travail dur, la solitude et le monde qui change ne laissant pas de place pour les petites entreprises. Sa ferme et celle d'Yves intéressent beaucoup la "Coopé" du coin, mais Yves a promis à sa retraite de céder ses terres à Michel. Cet arrangement à l'amiable dérange Raymond Cloarec, potentat local et peu scrupuleux, surtout qu'il avait prévu d'acheter ces parcelles pour les confier contre fort taux d'intérêts à un de ses neveux Hervé.
    Les trust alimentaires des environs préparent un vaste complot pour étendre leur hégémonie sur la région, comme le travail de beaucoup de gens dépende de ces groupes, peu s'y oppose, sauf quelques-uns dans ce qui semble être la bataille entre un pot de terre contre un pot de fer.
    Yves, vieux renard, connaît tout le monde, ancien il représente la mémoire du village. Michel lutte au nom de ce que l'on appelle le "Clan" qui pour moi n'a rien de péjoratif,et pour ses parents qui assistent impuissants à la destruction de leur monde et de leur mode de vie. Raymond Cloarec, magnat de l'agriculture intensive, faisant la pluie et le beau temps, arrosant tout ce qui est arrosable, terres et personnes, contre une immunité tacite. Lui et ses condisciples sont capables de museler les notables et la presse. Hervé, le neveu félon, pressent que s'il accepte la proposition de son oncle, il deviendra son débiteur à vie ; alors il quitte cette voie pour une liberté qui sera sûrement chère payée. Joël, sorte de colosse écolo marginal, représente d'une certaine manière le vagabond breton, par contre il est préférable (malgré certaines manières douteuses) de l'avoir avec soi que contre soi.
    La Bretagne et ce qu'elle est devenue, voilà le triste constat de ce roman. L'entreprise familiale contre les trusts agro-alimentaires, la haie contre la tronçonneuse, l'habitat ancestral contre la villa néo-bretonne. Faut-il désespérer ou au contraire espérer? Combattre ou baisser les bras? Les personnages de ce roman choisissent la lutte, je les en remercie.Un regret, la fin me semble tomber parfois dans la parodie perdant le caractère social qui m'a beaucoup plu dans la première partie de l'ouvrage. Le côté mini-Larzac, hippies et patchoulis pour moi, n'apporte à ce livre rien d'autre qu'une petite touche d'humour.
    Un bon roman malgré ces légers reproches.