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La traversée des sangliers

Guixing ZHANG

Philippe Picquier

  • Conseillé par (Libraire)
    29 avril 2022

    Bornéo, décembre 1941. Krokop est un village côtier perdu au nord de l'île. Quelques années auparavant, il a gagné son surnom de Bouk aux Sangliers, à l'issue d'une bataille épique contre une terrible harde de sangliers. Là, vivent des chasseurs opiomanes picaresques tels que Kwan la Face Rouge, Tsing le Biscornu, A-hung, Tzo Da-dy; des marchands tout aussi opiomanes à la gouaille truculente; une vieille sorcière du nom de Mapopo que l'on dit capable de s'envoler en faisant tournoyer sa faux; une infinie ribambelle d'enfants armés de lance-pierres le visage caché derrière des masques de yokaï, la belle et redoutable Emily aux bras annelés de bracelets, insaisissable...Et puis soudain, surgissent ceux qu'ici on nomme les Monstres: l'armée japonaise.

    La Traversée des Sangliers est un chef d'œuvre flamboyant et halluciné, porté de bout en bout par une langue riche, généreuse, et sublimé par un exceptionnel travail de traduction.
    Une expérience de lecture comme j'en ai fait rarement, tant l'immersion est absolue dans un maëlstrom de sensations, d'odeurs de fruits - et l'on entend même les mouches avides bourdonner -, de touffeur végétale, organique. La Nature immuable qui vibre et palpite, indifférente à la violence et la cruauté inouïe des hommes qui s'entretuent en son sein.
    Le récit est déconstruit, elliptique, les noms des personnages se ressemblent, se mélangent et s'entrecroisent dans un réalisme magique si troublant, que l'on ne saurait dire si ce que l'on lit est vraiment en train de se passer, ou si notre perception est elle aussi perturbée ( exaltée ? ) par les vapeurs d'opium. Ainsi, le temps semble s'étirer, se distordre parfois, traduisant l'ampleur du traumatisme que constitue encore l'occupation japonaise ( 1941-1945 ) dans la mémoire collective malaisienne.
    Le roman dans son entier est un furieux tourbillon, jubilatoire, parfois choquant par sa violence et sa crudité, - âmes sensibles, s'abstenir ! -, mais aussi parcouru de moments absolument drôles, magiques, inoubliables.

    Cercopithèques, coucals, éperviers bleus, crocodiles, coqs sans têtes, chiens-fantômes, sangliers, urine, sang, larmes, têtes coupées qui parfois volent dans la nuit, durians, ramboutans, porc-épics, katanas et parangs, fleurs multicolores, l'amour que l'on fait dans la moiteur des jours... Le dépaysement est total. Si l'aventure ne vous fait pas peur, croyez-moi, vous en sortirez ébahis.